Elle est courtoise, du fait de son métier, mais pas forcément chaleureuse, elle est du genre réservé Elle déteste le café, mais se damnerais pour un chocolat chaud Elle porte souvent du noir et des couleurs foncées (bleu, bordeaux, vert, marron) et jamais de talons, elle a gardé le look motard même si maintenant elle est derrière un volant Quand elle est en tournée elle a toujours un taser à portée de main, on est jamais trop prudent Elle mâche souvent du chewing-gum Elle dit beaucoup de grots-mots. Elle insulte tout, tout le temps. Surtout son GPS. Essayer de considérer ça comme amical Elle se gare très souvent n'importe comment, sur les trottoirs et selon elle les limitations de vitesse sont plus des conseils que des réglementations Elle surnomme sa voiture Darling Parfois elle lâche des mots d'Occitan, c'est très perturbant pour les autres Autant elle peut rester des heures à attendre dans sa voiture, autant elle a peu de patience avec les gens Elle est un peu « je m'en-fou-tiste » Parfois elle a la flemme de répondre alors elle communique en mono syllabe et en grognements Elle a un très bon sens de l'orientation.

Je profitais de ma pause de midi pour manger en terrasse et profiter du beau temps. Alors que je laissais le thé refroidir je repensais au déroulement de ma vie et comment je me suis retrouvée à la Nouvelle-Orléans.

Je suis née dans un bled un peu paumée dans le Sud de la France et j'ai une petite sœur de 8 ans ma cadette. Mes parents ont divorcés quand j'avais 10 ans et, à part ça, rien de notable jusqu'à la fin du lycée. J'ai eu mon bac, c'est bien. Mais après il a fallu choisir des études et une carrière, je crois que je n'étais pas prête. J'ai essayé la fac mais fait une sorte de crise identitaire, je sais pas trop. J'ai tout arrêté je me suis lancée dans la vie active. J'ai enchaîné petits boulots et formations inutiles jusqu'au jour où ma conseillère pôle emploi me parle d'une petite entreprise de coursiers qui embauchent.

J'ai donc postulé et j'ai été prise. Les débuts étaient difficiles, après tout je n'avais jamais conduit de deux-roues et la formation de 8h obligatoire n'était pas suffisante. Au bout de quelques années la boîte a grossi, j'ai pris de l'assurance, et je suis passée aux motos. J'étais parmi les meilleurs coursiers et en plus l'une des rares fille. J'aimais vraiment ce boulot.
Quand je me suis réveillée j'avais mal, très mal. Partout. Je voyais des silhouettes s'agiter autour de moi mais impossible d'identifier quelqu'un ou de comprendre ce qui se passait.
Je me suis réveillée une deuxième fois, mais avec l'esprit beaucoup plus clair. J'étais à l'hôpital. Le médecin m'a expliqué que j'avais eu un accident de moto. Rien à la tête, le casque a bien fait son boulot, mais des contusions et des hématomes, trois côtes fêlées et l'épaule gauche en morceaux. Un vrai puzzle selon le doc. Toujours selon lui, il y a très peu de chances que je puisse continuer mon job, l'épaule me ferait trop souffrir.

J'ai été arrêté un an. La rééducation et le chirurgien ont fait des miracles. Ces cicatrices propres et discrètes et un bras quasi fonctionnel. Mais je ne peux plus supporter plus de deux heures à moto.
Heureusement le patron a été top. Un service de livraison en voiture devait être mis en place et il m'a proposé une place. J'adorais filer dans les rues de la capitale, mais ça ne me déplaisait de repasser derrière un volant. J'étais tout aussi efficace avec ma petite Fiat 500.
Mais je ne sais pas pourquoi depuis l'accident une sorte de mélancolie me pesait, ou alors c'était la fatigue ? Je ne sais pas trop. Alors, quand le big-boss de la boîte m'a convoqué pour m'expliquer qu'il s'exportait à la Nouvelle-Orléans j'ai pas hésité longtemps, en plus je suis mieux payée. Et ça fait maintenant un an que je suis là. Même si parfois la France me manque je me plais bien ici.

Le bib sur mon portable me sortit de ma rêverie, j'ai une nouvelle course. Je paie le repas et m'engouffre dans mon petit bolide.