Pour résumer (ce qui est souvent difficile à faire, vu à quel point l'être humain est compliqué) Tracy est une personne très sensible, timide presque au niveau pathologique, tellement peu sûr de lui que ça en fait peur et il a tendance à se réjouir ou à pleurer pour un détail infime. Il a aussi la fâcheuse habitude de s'attacher extrêmement rapidement à une personne ce qui pourrait lui causer bien des torts. Ce qui lui en a causé en fait. A trop faire confiance, on prend le risque d'être pris pour un idiot et d'être embrigadé dans un cercle vicieux. Influençable... et pas qu'un peu. Il est aussi de nature très curieuse, aime découvrir sans cesse de nouvelles choses. Peut-être est-ce en rapport avec le fait qu'il n'a jamais fait d'études après le BAC (qu'il n'a même pas obtenu, ayant gâché son année de terminale) mais du coup, il n'en est que plus intéressé par ce qui l'entoure.

Il est aussi fan de skateboard. Il en fait depuis ses 12 ans et c'est l'une des rares habitudes qu'il a gardé de sa vie d'avant. Il est même plutôt bon il faut l'avouer même si ce n'est pas lui qui ira s'en vanter. Il ne se déplace presque jamais sans cette planche à roulette dont il prend tellement soin qu'il n'en a pas changé depuis ses débuts. Juste changé les roulettes ou refait la peinture peut-être mais c'est tout. Il vit seul avec son père dans un petit appartement, s'occupe de presque toutes les activités domestiques (cuisine, ménage, repassage...) puisque son père n'est que rarement chez eux. C'est un vrai cordon bleu quand il s'en donne la peine. C'est à dire pour son papa. Pour lui, c'est pâte. Ou riz. Ce genre de chose. Non pas qu'il soit flemmard. Il ne trouve juste aucune motivation à se cuisiner lui même de bons petits plats. Sinon il mène une vie d'ado un peu sur le tard. Tentant de se recréer une vie sociale depuis sa cure. Pour le moment, il bosse dans un petit garage où il a appris le métier. Il a récemment obtenu un emploi fixe. Ca n'est pas l'extase mais ça lui convient. Presque. Et puis il joue du piano et chantonne un peu.

« Tracy... tu vas trop loin. » Le nommé fronce les sourcils et regarde Alexis d'un mauvais œil. « Qu'est-ce que ça peut t'foutre ? » lui lance-t-il au visage avec dédain. « Quoi ? Tu oses me demander ? Bordel Tracy t'es mon meilleur ami. Alors t'étonnes pas si je réagis alors que tu te laisses... complètement aller. » Alexis pince les lèvres en voyant que Tracy ne l'écoute pas pour un sous. Il tente en vain de lui retirer ce qu'il tient dans les mains, pour l'empêcher dans rajouter encore à son état. Il râle et saute sur le dos de son ami tentant par tous les moyens de lui arracher le petit pétard qu'il tient entre ses doigts tremblant mais précautionneux. Ce qu'il reste de son ami le fait tomber et part plus loin. « BORDEL TRACY ARRÊTE CA ! T'es en train de te bousiller ! Et de bousiller ta vie. De bousiller notre relation... » Son ton est des plus triste alors qu'il avoue ces derniers mots. Il se relève et se rapproche dans un dernier élan d'espoir. « Mais merde, t'as pas besoin de ça ! » Se taire. Il aurait mieux fait de se taire. Il le sent au regard que l'autre pose sur lui. « SI ! Si j'ai besoin de ça bien plus que je n'ai besoin de toi. Alors tu m'fiches la paix et maintenant... TU T'BARRES ! DEGAGE !!! » Inconscient. Tracy est complètement inconscient du mal qu'il fait, de ses mots blessant... En revanche Alexis l'est tout à fait. Et il prend ces propos à la lettre, n'en pouvant plus. « Bien... alors j'te laisse. »

« Tracy, sérieusement, mais tu te vois ? On dirait... un zombie ! » Isathis était dure. Oui elle était dure dans ses propos. Mais c'était ainsi qu'elle avait toujours été. Un peu trop franche parfois mais juste... la plupart du temps. Au moins à ce moment là. « Si tu continues, tu seras même plus un zombie, mais un cadavre ! T'es en train de te bousiller !! » s'indigna-t-elle en le voyant ainsi se balancer, accroupi dans l'herbe. « Tu peux pas comprendre... » marmonna-t-il. Elle le bouscula, le faisant tomber sur le flanc. Il en rît un instant avant de se mettre à jouer avec les brins d'herbe comme fasciné. « TRACYYYYY !! » hurla-t-elle en venant le secouer les larmes aux yeux. « Arrête çaaa, j't'en prie !! ». Elle continuait de crier, en désespoir de cause. Elle ne savait plus quoi faire pour sauver son ami. Elle avait l'impression de revivre des mauvais souvenirs. Comme ceux qu'elle avait avec sa mère. Sa mère sans réaction devant tout ses efforts pour la soutenir, lui changer les idées et la sauver de sa misère. Non, non ! Elle ne voulait pas vivre ça. Pas là. « Tracy bon sang... » et elle posa son front contre l'épaule de son ami, se mettant à pleurer doucement alors qu'il chantonnait, complètement ailleurs. « Tu m'saoules... » lâcha-t-il à un moment alors qu'elle noyait son épaule. « Qu... quoi ? » demanda-t-elle en se redressant, cherchant son regard. Elle le croisa un bref instant, vide, embué. « Tu m'saoules. » répéta-t-il. Elle pinça les lèvres et aurait voulu lui mettre la baffe de sa vie mais savait bien qu'il n'aurait aucune réaction. « J'te saoule... » commença-t-elle la voix tremblante. « Ah ouais ? Ta meilleure amie te saoule ? Ben tu sais ce qui la saoule elle ? Ton état de larve permanent ! Ca, ça la saoule ! » Il croisa de nouveau son regard et se mit à rire doucement. « Putain, t'en fais du bruit. T'es vraiment... qu'une pétasse. » Elle hoqueta de surprise et recula vivement. Elle n'osa même pas lui demander de répéter. C'était juste horrible de s'entendre insulter. « Une vraie petite pétasse... » continua-t-il. « Dieu que tu m'agaces. Tu m'fais chier ! » et il commençait à hausser le ton. « T'es qu'une petite cooooonne ! Tu l'sais ça ? Une petite cooooonne. Et tu vas me laisser tranquille ok ? Tu vas me laisser faire ma laaaarve comme tu le dis si bien. Tu vas te barrer d'ici. Et tu vas me foutre la paix !! » Elle se leva précipitamment, manquant de retomber sur les fesses et recula encore. « Jamie... C'est pas... c'est pas vraiment toi qui parle. Tu... » Mais quand elle le vît froncer les sourcils elle se mit à courir, elle ne voulait pas en entendre d'avantage. Oh non elle ne pouvait pas. C'était bien assez.

« Lâche ça ! » hurle son père. Il lui secoue la main pour que le petit sachet que le jeune homme y tient tombe sur le sol. Et lorsque ceci arrive, Tracy se met à hurler et repousse James de toutes ses forces. « Laisse-moi ! Laisse-moi tranquille ! » geint-il en se mettant à genoux et en tentant de récupérer le contenu du sachet qui s'est étalé sur le sol. Il tremble si fort qu'il ne fait que déverser un peu plus de cette poudre blanche sur le tapis. Il halète de l'angoisse qui lui prend la gorge et se penche, nichant son nez dans le tissus et reniflant. Mais il n'a pas le temps d'en prendre énormément alors que son père le tire en arrière par le col de son tee-shirt. Il tente de se débattre, gesticulant dans tous les sens. « NON ! Je ne te laisserai pas te détruire ! » lui intime durement son géniteur en le soulevant du sol. Tracy bouge tellement qu'il doit envoyer plus d'une fois son coude, son poing ou son pied sur le corps meurtri de son paternel. Mais à l'instant même la seule chose qu'il remarque c'est la blancheur fascinante et toute nouvelle du tapis. Ça ne peut cependant pas rester comme ça. Il va remédier à cette drôle de situation. Pourtant James ne le laisse pas faire. Il l'entraîne vers l'extérieur. Tracy tente de se rattraper à quelque chose, pour empêcher cet éloignement de sa chère et tendre, cette avancée non-voulue dans le couloir qui mène à la porte d'entrée. Ou de sortie dans le cas présent. Il fait tomber plus d'un bibelot. Certains se brisent en un désagréable tintement de verre, d'autre ne font qu'un boucan lourd et pesant en s'échouant sur le sol. Il chouine de façon désespérée. Il ne veut pas partir. Ce n'est pas juste. Tout son bonheur se trouve dans cette petite bourse de plastique. Pourquoi son père ne veut-il pas comprendre bon sang ?!

Ses doigts se referment autour d'un objet fin et rectangulaire. Il y jette un coup d’œil et cesse alors de se mouvoir dans tous les sens. Il fixe le cadre photo dont il s'est en fait emparé et frôle le visage de la femme qu'on peut y voir. Elle tient dans ses bras un petit garçon d'à peine cinq ans. Ce petit garçon, Tracy l'a presque oublié ces derniers temps. Pourtant il ne le connait que trop bien puisqu'il s’agit de lui. Il laisse échapper une faible plainte et son père arrête alors le forcing. Il pose son fils au sol observant ce dernier se recroqueviller à genoux en serrant le cadre contre son cœur, de grosses larmes naissant au coin de ses yeux et noyant ses joues émaciées. « Je t'aime... » pleure-t-il. Une litanie de ces trois petits mots s'échappe de sa gorge, entre coupés de longs sanglots déchirant.

« Tracy ? Tracy tu pourrais m'apporter un peu d'eau ? Je ne me sens pas très bien. Il fait une de ces chaleurs tu ne trouves pas ? » dît-elle et Tracy se leva, en grognant un peu, de son transat sur lequel il tentait désespérément de se faire bronzer. Il avait toujours eu une peau plutôt blanche et avait donc du mal à se retrouver avec une peau dorée comme son père. Peut-être que ses origines Irlandaises y était pour quelque chose. Certainement même. Il se dirigea vers la cuisine et sortît du frigo une grande bouteille d'eau. Il la déboucha et jeta un coup d’œil vers le jardin. Sa mère était toujours occupée à ses roses. Alors il bût au goulot. C'était quelque chose que Hannah Bellisario détestait qu'il fasse. Boire directement à la bouteille. « On a des verres et nous sommes des gens civilisés. Et puis tous les microbes que tu as dans la bouche, on est pas obligé de les partager. » Elle avait certainement raison mais c'était tellement plus drôle. Et puis à bientôt 17 ans on a l'âme rebelle, non ? Il prît ensuite un grand verre qu'il remplit presque jusqu'à raz bord, rangea la bouteille et repartît dans le jardin, verre à la main. Verre qui ne resta pas longtemps intacte lorsqu'il ne vît que les longs cheveux blonds de sa mère étalés dans l'herbe, le reste de son corps caché par les haies. Il courut jusqu'à elle et hurla qu'elle se réveille, lui tapotant doucement les joues. « MAMAN ! MAMAN LÈVE TOI ! MAMAN TU M'ENTENDS ?! ». Il tirait sans trop savoir pourquoi sur ses propres cheveux, en panique totale. Devant sa non réaction il se précipita jusqu'au téléphone et appela une ambulance. Pourquoi est-ce que son père n'était jamais là au bon moment ?

Et cette femme, cette femme sur la photo, cette femme qui s'était évanouie ce jour, cette femme dont il avait tant besoin, sa mère... était morte. Soudainement. Rupture d'anévrisme l’Été précédant. Le retour à l'école avait été difficile. Ses amis avaient tous tenté de l'entourer mais il les repoussait, préférant rester seul. Sinon avec des gens peu fréquentables. Des gens qui consommaient des substances illicites. Des gens qui l'initièrent à ces produits. Des gens qui l'encouragèrent à continuer. « Ça te fera du bien. T'as besoin d'oublier... » Oui. Il avait eu besoin d'oublier sa peine. Sa douleur. Et le manque. Le vide. L'absence de sa maman. Alors il avait tenté de le combler en fumant quelques joints. Puis en prenant quelques pilules ou champignons hallucinogènes... jusqu'à en arriver à tremper son nez dans la cocaïne. Et lorsque son père l'avait découvert...

Ce dernier le soulève une nouvelle fois et le serre contre lui. « Fils... Tracy ça va aller. » Ça irait oui... Ça irait difficilement.

Il passa un an jour pour jour en cure de désintoxication, dans la ville de Chicago et lorsqu'il en sortit, il avait tout perdu. Absolument tout. Ses amis, toutes ses passions... il ne savait plus exactement qui il était, s'étant oublié trop longtemps. Et pourtant il était décidé à ne pas se laisser aller cette fois. Non, cette fois il réussirait à passer le cap. A dépasser ses peurs. A ne plus se morfondre... ou moins. Pleurer de temps en temps il avait compris que ça soulageait, que ça réduisait un peu le poids qui enserrait son cœur. Ne plus parler de sa mère... Ne garder qu'une idée positive d'elle. Rendre le souvenir moins douloureux. Et aller de l'avant. Toujours. Devenir enfin quelqu'un. Et quatre ans plus tard, le voici. Petit mécanicien de la Nouvelle Orléans qu'il a investi dans l'espoir de retrouver Alexis ou Isathis. Sans diplôme mais débrouillard, son skate sous le bras lorsqu'il ne travaille pas, ses longues balades en solitaire, ses moments casanier durant lesquels il peut voir son père... sa petite vie tranquille et de garçon un peu perdu. Il lui suffit juste de trouver un guide. La lumière pour éclairer son chemin. Si vous connaissez cette lumière, faîtes lui signe ?

Et l'amour dans tout ça ? Autant dire qu'il n'a jamais connu. Qu'il n'en a jamais eu l'occasion et qu'il a certainement trop peur de se lancer. Mais il ne désespère pas de connaître ça. L'amour avec un grand « A ». L'amour qui nous donne des ailes. Et qui nous fait oublier tous les maux de la vie... A life without love, it's terrible... parait-il. Alors il ne veut surtout pas passer à côté. Mais il ne sait pas pour autant où chercher.