Yaël & Delia
   I once was blind, but when I looked into your eyes I saw everything.

Des nuages, des nuages, encore des nuages. Je crois que je passe le plus clair de mon temps à voyager au dessus des nuages. Je passe tellement de temps dans les avions que je pense que je pourrais faire tourner l'industrie de l'aéronautique à moi toute seule. Enfin, j'exagère peut-être un petit peu, mais c'est histoire de donner une petite idée du temps que je peux passer dans un avion. Avec tous ces voyages à gauche à droite... Il est clair que c'est un choix à faire. Parfois je me demande ce que ma mère aurait pensé de tout ça. De ce que je suis devenue. Je me souviens, quand j'étais ado, elle me disait toujours qu'elle rêvait de devenir grand-mère. C'est l'une des dernières choses qu'elle m'avait dit avant sa mort. Elle disait qu'elle regrettait de partir si vite, de ne pas avoir le temps de me voir devenir une femme, de ne pas pouvoir être celle qui garderait mes enfants quand je serai devenue une grande chirurgienne de renom. Je me demande parfois si elle me voit, de là où elle est. Si elle sait tout ce que je fais. Si elle sait que je ne suis jamais devenue chirurgienne, mais médecin légiste. Si elle sait que cela fait plus de 10 ans que je fais ces petits... voyages. C'est devenu un moyen pour moi de relâcher la pression. De m'évader, sans penser au reste. De simplement me dire que, pour une fois, je peux être qui je veux. Je peux vivre comme je l'entends. Elle doit certainement être déçue. Et puis, elle qui voulait tellement être grand-mère... J'ai 28 ans, je suis célibataire, et je n'ai jamais réussi à supporter le fait d'être en couple assez longtemps pour prétendre que j'aurais pu aller plus loin avec cette personne. Si elle savait... Quelqu'un m'attire, ces temps ci. Je ne peux pas le nier. Quelqu'un d'exceptionnel, qui dans le fond ne me ressemble pas du tout. Mais comme on dit, les opposés s'attirent. Non? Cette personne, je vais la voir tous les jours ou presque, discrètement ou non, au café qu'elle tient. Un vrai comble pour moi qui ai peur des oiseaux de me retrouver dans un lieu qui s'appelle "Birdland". Enfin bref. Lorsque je descendais de l'avion, j'allais récupérer mon sac de voyage avant de rejoindre le taxi qui m'attendait. Et comme à chaque fois que je revenais du Texas, il savait où m'emmener. Oui, c'était toujours le même chauffeur. Un ancien ami de mon père. Une fois devant l'établissement, je payais le vieil homme qui venait de me déposer puis je descendais du taxi pour aller pousser la porte du café.

Comme toujours, il y avait les deux mêmes personnes. Des "petits vieux" qui venaient chaque matin je crois pour prendre leur petit déjeuner et raconter ce qu'ils ont fait la veille et se donner quelques petits conseils de jardinage ou autres. Ou se plaindre de leurs femmes, aussi. Je les saluais poliment avant de me diriger vers le comptoir pour commander un grand café noir sans sucre. Toujours la même chose. Et comme à chaque fois, dès que je posais mes yeux sur cette personne pour qui je sentais que je craquais, un petit sourire venait se dessiner au coin de mes lèvres. Lorsqu'elle vint me poser mon café sur le comptoir, je sortais un billet de $10 et le poussais vers elle.
   
« Gardez la monnaie. »

Un rapide clin d'oeil, et je m'installais sur l'un des tabourets qui longeaient le comptoir. Ah vous vous demandez peut-être qui est cette personne dont je parle depuis tout à l'heure? Elle s'appelle Yaël. Oui, j'ai bel et bien dit "elle". J'ai oublié de préciser que j'aimais autant les hommes que les femmes? Il faut croire que oui, j'avais oublié... Quoi qu'il en soit, je trouve cette femme géniale. Même si je ne la connais pas beaucoup. Elle me plaît. Que voulez-vous que je vous dise? Me passant une main dans les cheveux, je buvais ensuite une gorgée de café en espérant me réveiller un peu plus. Je dors tellement peu ces temps ci que je m'en demande presque comment je fais pour tenir encore debout et ne pas m'endormir partout où je vais. Je dois avoir des cernes tellement profondes (en dessous de mon anti-cernes) que je dois pouvoir mettre des affaires dedans comme dans les poches d'un jeans. Enfin bref. Lorsque la jeune femme se dirigea vers moi, je l'interpelais rapidement en prenant la parole. J'aime bien lui parler. Non, pardon. J'aime trop lui parler. C'est... un peu maladif, vous voyez? Du même genre que la drogue, la clope, tout ça quoi. Et oui, si c'est ça la prochaine question, je touche aux deux trucs dont je viens de parler. Mais c'est pas le souci à ce que je sache. Si? Bref. Cette fille... Je sais pas, c'est bizarre. J'ai jamais autant eu envie, presque besoin, d'avoir quelqu'un dans ma vie comme j'en ai envie pour elle.

« Comment ça va aujourd'hui? »

   

BY .SOULMATES