A un chat, Cheshire, qui vit au piano bar avec elle + Oui, elle vit dans l'arrière boutique du bar depuis qu'elle en est propriétaire, sa vie n'étant faite que de livre, philosophie, musique et de clients + Fait claquer ses ongles sur le bar et trifouille ses cheveux lorsqu'elle est nerveuse + En accord avec sa culture, c'est une musicienne de klezmer + Ses relations amoureuses n'ont jamais tenues plus de six mois, ses petit(e)s-ami(e)s la trouvant trop plongée dans ses pensées + Se sent perdue lorsqu'elle doit malgré elle être confrontée au monde réel + Dort n'importe où et n'importe comment si elle n'est stimulée par rien et que personne ne lui parle + Très maladroite lorsqu'elle ne se concentre pas et tombe donc sans arrêt + Parle hébreu lorsqu'elle se parle à elle même

« Maman, pourquoi les gens à la télé il se font mal comme ca ? »

Israël, Terre promise, terre de conflit. Etat créé pour apaiser un peuple ravagé, finalement source de guerres incessantes. Je suis née au milieu de tout ca. Entre carnage et idéologie, j'ai dû apprendre à vivre, à me faire une place. Je n'ai rien réussis de tout ca. Modelée par les croyances de ma famille et tiraillée par les atrocités de ce monde. Alors je m'asseyais sur la moquette, dessinais sur la table basse et commençais à me créer un monde à moi, d'où je ne sortirais plus jamais.

« Elle dit qu'elle voit des choses, chéri, je m'inquiète pour elle. Vraiment... »

Je les vois. Je vous jure, je ne mens pas. Je vois des gens. Ils me regardent, me murmurent de ne pas m'en faire, que tout ira bien. Pourtant, je vois toujours ces gens à la télé et dans les journaux. Et plus je les vois, plus j'essaie de comprendre le monde, plus mes apparitions se font quotidiennes. Puis j'ai appris à vivre avec. Ces bonnes fées, ces lutins et autres absurderies faisaient maintenant partie intégrante de ma personne. Et plus cette partie de moi grandissait, moins je me rendais compte de ce que le monde devenait.

« Elle ne parle plus. Tu crois que c'est de notre faute ? »

J'ai fini par me couper totalement du monde extérieur, n'écoutant plus à l'école, me renfermant uniquement dans les livres et la musique. Je n'ai jamais été aussi heureuse qu'à cette époque. Mes amis étaient là et me tenais compagnie lorsque je ne pouvais rien faire d'autre pendant que mes parents me firent tester pour l'autisme et autres maladies mentales. A dix-huit ans, j'ai plus ou moins soudainement décidé de partir faire mes études en Amérique, au grand malheur de ma famille qui tenta par tout les moyens de me retenir. Ce fût la première fois que je leur parlais depuis dix ans et tout ce dont je me souviens, ce sont les larmes de ma mère sur la Torah.

« Que comptes tu faire dans ce désastre, toi petite étrangère que tu es ? »

L'ouragan venait à peine de passer il y a trois ans de cela et le désespoir que j'y trouvais me toucha autant que l'espoir sous-jacent me motiva à les aider. J'attaquais un master de philosophie ainsi que trois ans de bénévolat pour aider à la reconstruction de la ville. Finalement, en trainant dans la rue, j'ai fini par rencontrer Mr Banks. Il m'a prit sous son aile, embauché en tant serveuse dans son café, donné un logement. Il m'a appris à m'ouvrir un peu plus au monde pour aider les gens. Refaire le monde comme la ville, reconstruire leur vie à l'aide d'un café et d'une bonne couche de musique. Les aider à rêver.

« N'oublie pas qui tu es. Ne laisse pas le monde t'écraser. »

Si seulement j'avais pu prévoir ce qui venait de ce passer... Sa mort avait été un choc, me retrouver à la tête de l'établissement dans lequel j'avais bossé cinq ans en était un autre. J'allais maintenant devoir faire tourner tout ca et être à la hauteur de celui qui m'avait tout appris.